

























Il y a des lieux qui ne s’éteignent pas tout à fait. Même avec les vitres brisées, même avec le marbre craquelé, ils conservent une chaleur, un souvenir en suspens. Ces anciens thermes en font partie. Quand on y entre, l’air est plus dense. Le silence y est peuplé d’ombres douces, d’eaux aux promesses curatives. Inaugurés au début du XXe siècle, ils incarnaient le luxe thermal de la Belle Époque. Mosaïques, colonnades, volumes généreux… l’architecture, pensée autant pour le soin que pour la représentation sociale, accueillait une clientèle fortunée, en complément d’un premier établissement plus modeste datant de la fin du XIXe siècle. Le tournant médical intervient après 1947, avec la création de la Sécurité sociale. La cure devient alors accessible, nécessaire, prescrite. Les patients affluent : jusqu’à 25 000 curistes par an. Spécialisée dans les affections digestives, la station prenait en charge des pathologies comme les colopathies fonctionnelles, la maladie de Crohn, les colites spasmodiques, mais aussi des infections parasitaires fréquentes à l’époque, comme l’amibiase. Les curistes venaient parfois de très loin, anciens militaires, populations issues des anciennes colonies françaises. On y soignait l’intestin, la douleur, la fatigue chronique. On y cherchait du soulagement plus que de la distraction. Mais les décennies passent, la médecine évolue, les traitements médicamenteux se perfectionnent. Les cures thermales perdent du terrain, et la fréquentation décline inexorablement. En 2004, soit 100 ans après leur création, les thermes ferment leurs portes. Le bâtiment se dégrade petit à petit. Vandalisé et parfois squatté. Un projet ambitieux de reconversion en hôtel de luxe voit le jour, mais les procédures administratives, le classement patrimonial, la complexité des sources thermales et la situation géographique freinent l’élan. Pendant ce temps, la poussière s’installe. Aujourd’hui, tout semble figé, mais la lumière circule encore. J'y ai surtout photographié les volumes, les perspectives, l'ambiance. Ce n'était pas une approche du détail, mais plutôt du lieu dans son ensemble, avec ses contrastes, ses absences et cette façon qu'il a de rester debout malgré tout. Mes partenaires d'explorations et moi, avons adoré. Un grand merci à la dame responsable du lieu et à son fils pour nous avoir ouvert les portes et avoir passé du temps à nous raconter ce dernier avec passion.